Exposer à Monaco n’est jamais anodin. Pour NO#AR, peintre venu de Vence, c’était une étape naturelle, presque inévitable, dans un parcours où la matière est devenue souffle et le geste, respiration. « Exposer, c’est toujours difficile pour moi. C’est une manière de se mettre à nu », confie-t-il. Cette mise à nu, il l’a vécue pleinement à l’Espace 22, lors d’une exposition collective organisée par Art Collect®, où ses toiles ont trouvé un écho profond dans le regard du public monégasque.
Avant cette aventure, l’artiste se sentait prêt. Après des années de recherche et de travail solitaire, il venait d’accrocher plus de cinquante œuvres en solo à la Galerie Bleue de Vence. Ce premier face-à-face avec le public l’avait libéré d’une retenue ancienne. À Monaco, il s’agissait non plus de présenter, mais de confronter : confronter la couleur à la lumière, la matière à l’espace, la peinture à la vie.
NO#AR vient d’un univers de rigueur. Ses premières œuvres, à l’aquarelle, représentaient fidèlement son environnement. Ce réalisme appliqué a longtemps nourri sa technique, mais il en a aussi limité le souffle. « Représenter la réalité purement figurative m’a frustré », reconnaît-il. Alors, il a rompu. Lentement. Par couches. Par gestes successifs. L’instinct a pris le pas sur la précision. L’imaginaire sur la description. Et de cette rupture est née une liberté nouvelle, un phrasé pictural personnel où les traits se répondent, se contredisent, se fondent.
Aujourd’hui, la peinture de NO#AR semble orchestrée comme une partition. Chaque ligne répond à une autre, chaque espace respire, chaque silence de matière dit quelque chose. Son geste, vif et organique, s’inscrit dans la filiation des grands explorateurs de la transformation : Chagall, Dubuffet, Alechinsky. Comme eux, il ne copie pas le monde, il le réinvente. Sa peinture n’explique rien, elle cherche.
L’œuvre qu’il présentait récemment, dense, presque tellurique, en témoigne. Une toile où l’ocre, le brun, le noir et la matière brute se mêlent dans un chaos maîtrisé. L’œil y suit des lignes brisées, des silhouettes esquissées, des fragments de figures humaines surgissant d’un maelström de texture. C’est une peinture de tension et de circulation, où le dessin semble naître d’un tumulte intérieur. Les traits noirs, nerveux, griffés, rappellent parfois les écritures pariétales ou les carnets de Dubuffet ; la couleur, elle, pulse comme une braise sous la cendre. On y devine à la fois la rigueur de l’ancien dessinateur et la liberté du peintre qu’il est devenu.
NO#AR parle souvent de rythme, de souffle, de musicalité. Son geste s’écoute autant qu’il se regarde. Il ne cherche pas la beauté immédiate, mais la cohérence intérieure. Certaines œuvres, plus colorées, captivent le public par leur vitalité, d’autres, plus sombres, intriguent et retiennent. Il le sait : « Mon travail suscite des réactions contradictoires. Les petits formats colorés séduisent ; les grands formats plus rugueux interpellent. » Cette dualité est le cœur même de son œuvre : une oscillation constante entre l’ombre et la lumière, entre la douceur et la rugosité.
L’exposition de Monaco a marqué un tournant. Elle lui a apporté plus qu’une visibilité : une résonance. NO#AR y a retrouvé ce qu’il cherchait — non la reconnaissance, mais la rencontre. Deux passionnées d’art, se souvient-il, ont pris le temps de s’immerger dans sa peinture, d’en comprendre la logique intime. Ces échanges, profonds et sincères, l’ont confirmé dans sa voie.
Depuis, l’artiste poursuit son exploration. Il parle d’une œuvre « en gestation permanente », d’une peinture qui se renouvelle à mesure qu’il la confronte à la vie. Si la couleur reste présente, le noir et blanc s’imposent de plus en plus comme une respiration, une épure. Il travaille aujourd’hui sur un projet ambitieux : une composition de dessins multiples, petits formats, accrochés en désordre maîtrisé, formant à la fois une œuvre globale et une constellation de fragments autonomes.
NO#AR avance à rebours des modes, dans la fidélité à une exigence personnelle. Peindre, pour lui, reste un acte vital, un combat. Il le résume d’une phrase sans détour : « Peindre, c’est une passion… et une malédiction. » Et c’est peut-être cette tension, entre ferveur et lucidité, qui fait la force de son œuvre : une peinture habitée, sensible, profondément humaine, où la matière devient souffle et le geste, mémoire.

