Cécile Delanoë

Travailler le verre, c’est sculpter l’intangible. Chaque pièce est un souffle d’eau et de lumière, une mémoire fluide que mes mains rendent visible.

Il y a chez Cécile Delanoë un fil invisible qui relie les gestes, les matières et les mondes. Un fil de lumière, sans doute. C’est peut-être pour cela que le verre s’est imposé à elle comme une matière d’élection : translucide, parfois tranchant, parfois fluide, toujours vivant. Pourtant, avant de devenir artiste verrière, Cécile explore une autre scène : celle du théâtre. Formée au costume, elle travaille pour les arts vivants, crée des silhouettes, imagine des univers textiles. Puis, en 2014, elle quitte les coulisses pour l’inconnu, et part plonger au cœur de l’Indonésie. Là, sous la surface, commence un autre récit.

Pendant plusieurs années, elle vit au rythme de l’océan, en tant qu’instructrice de plongée. Ses journées sont rythmées par les marées, les descentes dans le silence bleu, les rencontres marines. Cette expérience sensorielle, presque mystique, marque un tournant. Elle commence à dessiner, à noter, à rêver. Des méduses, des formes aquatiques, des mouvements lents, suspendus. L’eau devient son vocabulaire, les méduses sa grammaire poétique. Elle comprend que ce monde, aussi sublime qu’éphémère, doit être traduit, incarné, raconté.

De retour en Europe, elle revient à ses origines : l’atelier verrier, le four, la matière. Le projet Abyssal naît comme une évidence. Il s’agit de recréer, en verre, la présence spectrale de ces êtres marins. Non pas pour les figer, mais pour les offrir au regard, comme une immersion sans palme ni tuba. Le travail de Cécile est autant un hommage à la beauté du vivant qu’une réflexion sur sa fragilité. Chaque méduse est pensée comme un fragment d’océan capturé dans la lumière.

Le processus de fabrication est complexe, minutieux. Cécile utilise des plaques de verre float, thermoformées à des températures précises. Chaque pièce, chaque tentacule, est façonnée à la main, à partir de moules uniques. Certaines œuvres sont intégrées à un système LED intelligent, piloté par un programme informatique. Ce dispositif permet de faire vibrer la lumière de façon autonome, de rendre chaque sculpture modulable et immersive. D’autres méduses, plus domestiques, sont équipées d’ampoules à filament, diffusant une lumière chaude et texturée, idéale pour intégrer un intérieur contemporain.

Mais au-delà de la technique, ce qui saisit, c’est l’émotion. Les méduses de Cécile ne sont pas des objets décoratifs. Ce sont des présences. Suspendues, elles flottent dans l’espace comme dans l’eau, entre sculpture et installation lumineuse. Leur transparence, leur texture presque organique, évoquent à la fois le rêve, la mémoire, et l’alerte. Elles semblent nous murmurer qu’il est encore temps d’agir, qu’il est urgent de regarder autrement ce monde qui disparaît.

Le verre, chez Cécile Delanoë, devient un langage de l’éveil. Il matérialise une poésie silencieuse, une écologie sensible. Abyssal n’est pas seulement une série : c’est un manifeste artistique, un écho lumineux venu des profondeurs. Une œuvre qui fait de la lumière un cri doux, un appel à la contemplation, à la conscience, et à la beauté.

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