Dominique Cahier

Je ne photographie pas ce que je vois, mais ce qui reste. Une trace, une lumière, un silence. Mon image ne raconte pas : elle se souvient. Elle effleure, elle suggère. Elle est ce moment suspendu où la mémoire prend corps dans la couleur et le flou.

Né en 1953, Dominique Cahier découvre la photographie à l’âge de 12 ans. Ce n’est pas un simple passe-temps, mais une révélation. Dès ses débuts, il est fasciné par les maîtres du noir et blanc, notamment Jean Loup Sieff et William Klein, dont il admire le sens du cadre, de la lumière, et la puissance évocatrice. En parallèle, il se passionne pour la peinture, nourri par l’intensité émotionnelle des œuvres de Mark Rothko, Gerhard Richter, ou encore par l’univers dépouillé de certains peintres abstraits. Cette double influence, photographique et picturale, façonne dès le départ une écriture visuelle personnelle, sensible et intemporelle.

Dans les années 70, Dominique Cahier participe à la création de la galerie et des éditions Contrejour à Paris, un lieu emblématique pour la photographie contemporaine française. Il y côtoie une génération d’artistes engagés dans la reconnaissance de la photographie comme forme d’art à part entière. Pourtant, la vie professionnelle et familiale le pousse à mettre cette passion entre parenthèses pendant plusieurs décennies.

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Il y a dix ans, il reprend pleinement l’appareil en main, avec une envie renouvelée, presque urgente.  Et cette fois, quelque chose a changé. Si son travail est toujours nourri par l’esthétique du noir et blanc, il s’ouvre désormais à la couleur, puis à une abstraction de plus en plus affirmée. Dominique Cahier ne cherche plus seulement à capturer le réel, mais à le réinterpréter, à le sublimer, à l’effacer parfois pour mieux révéler l’émotion qui en émerge. Il le dit lui-même : « Photographier comme un peintre », c’est ainsi qu’il conçoit désormais son travail.

Ses œuvres se déploient aujourd’hui en grands formats, dans des compositions où se mêlent flou, superpositions, textures et expérimentations numériques. Son univers est onirique, introspectif, silencieux, presque suspendu.

La démarche artistique de Dominique Cahier se distingue par une esthétique délicate où la frontière entre photographie et peinture s’efface. Dans ses œuvres, le flou devient un langage, une manière d’évoquer l’émotion plutôt que de figer le réel. Les silhouettes s’évanouissent dans la lumière, les formes se dissolvent, les paysages semblent glisser entre deux états, entre présence et souvenir. Sa technique joue des superpositions, des effets de texture, des jeux d’opacité, créant des images qui ne capturent pas le monde tel qu’il est, mais tel qu’il est ressenti.

On retrouve dans ses compositions une réminiscence du geste pictural : certains cadrages évoquent des gravures, d’autres des aquarelles effacées par le temps ou des encres japonaises. Loin d’un réalisme documentaire, son approche est résolument introspective, presque méditative. Il explore l’impermanence, la fragilité des choses, la trace que la mémoire laisse sur nos perceptions. Le paysage devient alors mental, les arbres des lignes de partition, les personnages des ombres furtives. La couleur, lorsqu’elle est présente, s’apparente à une vibration émotionnelle, discrète mais puissante, souvent teintée de bleus, de terres et de bruns profonds.

Dominique Cahier construit ainsi un univers à la fois poétique et visuel, où chaque photographie est pensée comme une respiration. Un travail d’équilibre entre maîtrise technique et abandon sensible, entre abstraction et figuration, qui invite le regardeur à ralentir, à contempler, à se souvenir.